Huo Yuanjia

HUO YUANJIA

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1. Généralités

 

Fondateur de l’école Jing Wu, Huo Yuanjia était un boxeur, maître du style Mizongquan (Boxe du Labyrinthe). Les différentes sources ne sont pas unanimes sur ses dates de naissance et de mort. Nous retiendrons les plus crédibles : 1869-1910.

 

Ses victoires en font un héros national pour les chinois, pour ne pas dire une légende. Or, toute légende comporte une part de réalité, mais aussi une partie plus romancée. Dénouer les faits réels des anecdotes enjolivées est difficile, un siècle après la mort de Huo Yuanjia. Mais ce personnage est devenu un symbole pour ce peuple essoufflé par une trop longue oppression.

 

2. La jeunesse de Huo Yuanjia

 

Huo Yuanjia était le quatrième fils d’un maître de wushu (style MiZong Quan) : Huo Endi. Ce dernier dirigeait une entreprise de sécurité, dont le but était d’escorter les caravanes. La famille Huo habitait Jinhai un petit village proche de Tianjin.

 

Plusieurs histoires circulent sur la jeunesse de Huo Yuanjia : selon les sources, tantôt chétif, tantôt malade (asthmatique ?), il a appris le wushu en cachette, en observant son père et ses frères derrière des buissons. Sa famille ignora tout de son entraînement secret, jusqu’à ce qu’il finit par se battre avec d’autres jeunes et par les vaincre. Une autre histoire dit qu’un maître d’art martial aurait défié la famille Huo. Après ses frères, ce fut le tour de Huo Yuanjia qui vainquit son adversaire d’un seul coup de pied, au grand étonnement de sa famille. Huo Endi finit par accepter d’apprendre ses techniques de combat à son jeune fils.

 

Les détails de la jeunesse de Huo Yuanjia varient d’une biographie à l’autre, sans doute car elle tient sans doute du folklore martial. Mais cela ajoute encore du pittoresque à la vie d’un grand maître de wushu.

 

3. Le style de la famille Huo

 

La famille de Huo Yuanjia pratiquait le MiZong Quan.

 

Il est difficile de déterminer les origines de ce style, tant sont nombreuses les légendes qui l’entourent. Selon certains, le Mizong Quan remonte à la dynastie Song (entre les Xe et XIIIe siècles), d’autres affirment qu’il remonte aux dynasties Sui et Tang (entre les VIIe et Xe siècles). Il y a cependant deux constantes : un certain Yanqing et un lien plus ou moins étroit avec le monastère de Shaolin.

 

Les premiers écrits que l’on peut qualifier de fiables remontent au XVIIIe siècle. Ils désignent Sun Tong, combattant célèbre pour ses techniques de jambe. Sun Tong était originaire du ShangDong. Il s’installa dans le comté de CangXian. Ces élèves y furent nombreux : l’un d’entre eux s’appelait Huo Xuwu.

 

Huo Xuwu transmit à son fils unique, Huo Endi, tout ce qu’il savait. Huo Yuanjia devint successeur officiel du style Mizong Quan (8e génération).

 

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Le Mizong Quan se caractérise par des déplacements rapides et variés, ayant pour but de déstabiliser l’adversaire. Ainsi, on peut rencontrer une alternance de pas longs et de pas courts, de pas de recul et de changement de direction. Les techniques de mains permettent de frapper de tous les côtés, en prenant en compte les variations de distances et les changements de direction. Généralement traduit par « style du labyrinthe », une traduction plus précise de Mizong Quan serait « style de la trace perdue ».

 

4. La situation de la Chine au début du XXe siècle

 

4.1. Quelques mots sur la Révolte des Boxers

 

La Révolte des Boxers s’est déroulée en Chine entre 1899 et 1901. Une société secrète en est à l’origine : les « Poings de la Justice et de la Concorde ».

 

Ce mouvement est né de l’opposition aux réformes, aux étrangers et à la dynastie des Qing, dynastie mandchoue. La dernière dynastie chinoise, celle des Ming, avait fait appel en 1644 à des mercenaires mandchous pour mater des soulèvements populaires. Les mandchous triomphèrent de la révolte, mais ils occupèrent Beijing et instaurèrent leur dynastie.

 

La révolte des Boxers fut utilisée par l’impératrice Cixi (1835-1908) contre les seuls étrangers, ce qui conduisit au siège des légations étrangères à Pékin à partir du 20 juin 1900. Ces « 55 jours de Pékin » se soldèrent par la victoire des huit nations alliées contre la Chine (Autriche-Hongrie, France, Allemagne, Italie, Japon, Russie, Royaume-Uni et États-Unis).

 

La Chine avait déjà perdue la guerre sino-japonaise de 1894-1895.

 

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4.2. L’homme malade de l’Asie

 

L’homme malade de l’Asie : c’est ainsi qu’était surnommé la Chine au début du XXe siècle.

 

La défaite des Boxers fut un véritable désastre pour les arts martiaux chinois, désormais taxés d’impuissance face aux armes des occidentaux, et également associés un groupe de fanatiques à l’origine de l’humiliation de la Chine et de considérables dégâts.

 

Il semble que les Britanniques soient à l’origine du surnom d’ « homme malade de l’Asie ». Beaucoup d’occidentaux avaient pris pour habitude d’intimider et de rabaisser les chinois : menaces, coups, humiliations étaient choses courantes.

 

5. Les combats de Huo Yuanjia

 

C’est donc dans cette Chine rabaissée et dominée par les étrangers que Huo Yuanjia remporta ses victoires qui firent de lui un héros national.

 

Il aurait pu rester anonyme, car il travailla d’abord en vendant du bois de chauffage, puis en tant qu’employé de pharmacie. Mais sa vocation véritable était les arts martiaux. Sa renommée de combattant attira de nombreux challengers qui espéraient le vaincre pour se faire une réputation.

Mais Huo Yuanjia doit son statut de héros national aux combats remportés contre des étrangers.

 

En 1909, un britannique, O’Brian, était en exhibition à Shanghai. A l’issue de ses démonstrations, « Oupin » (interprétation phonétique chinoise de son nom) défiait les chinois de venir le combattre à l’intérieur d’un ring. Les démonstrations d’hommes forts devaient être une nouveauté pour les chinois. Dans leurs numéros, les hommes forts prouvaient leur qualité physique en tirant ou en soulevant des poids, par exemple, et mettaient les spectateurs au défi de les rejoindre sur le ring. Il est probable qu’O’Brian ne bravait pas les chinois en raison de leur nationalité, mais plutôt parce que cela faisait partie du spectacle. Or, les chinois, peu habitués à cette manière de faire, se sentirent insultés. De jeunes nationalistes chinois demandèrent donc à Huo Yuanjia de relever le défi. Il accepta et se rendit à Shanghai avec l’un des ses disciples, Liu Chang-sheng. Il fallut discuter des modalités du combat, car Huo Huanjia ne connaissait rien aux règles des matchs occidentaux. Il craignait également les conséquences de la mort possible d’O’Brian pendant le combat. Certaines sources disent que Huo Yuanjia a gagné le combat. D’autres affirment qu’O’Brian ne se présenta pas, soit en raison de son mépris envers les chinois, soit parce qu’il avait déclaré forfait, au vu de la détermination de son adversaire.

 

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Par le passé, Huo Yuanjia se serait déjà mesuré à un étranger. C’était 1901. Un russe, en visite à Tianjin, se serait proclamé « l’homme le plus fort de Chine ». Maître Huo défia le russe pour contester cette vantardise. Deux histoires sont racontées sur la fin de cet épisode. Pour les uns, Huo Yuanjia aurait aisément battu le russe. Pour d’autres, avant même le commencement du combat, il aurait sévèrement réprimandé son adversaire concernant son attitude, et ce dernier, intimidé, s’excusa, expliquant qu’il avait fait cela pour gagner sa vie.

 

6. La création de l’école Jing Wu

 

A la suite de cette rencontre contre O’Brian, les jeunes nationalistes félicitèrent le vainqueur et lui proposèrent de rester à Shanghai et d’ouvrir une école d’arts martiaux. Huo Yuanjia décida alors de fonder l’Association de Culture physique Jingwu Men (« Jingwu Men » signifiant « porte de l’excellence en arts martiaux »). L’école n’ouvrit que quelques jours plus tard.

 

L’objectif visé par Huo Yuanjia était de permettre à tous les Chinois d’apprendre les arts martiaux et de se renforcer afin de défendre le pays. Il ne s’agissait pas seulement d’enseigner des techniques de combat, mais de structurer l’enseignement et la pratique du wushu pour en faire une discipline moderne et organisée, accessible à tous (comme cela s’est vu au Japon pour le judo, le karaté et l’aïkido). Huo Yuanjia se serait également inspiré de modèles étrangers, tels que l’Ecole normale militaire de gymnastique de Joinville, fondée en 1852 par Napoléon III : cette école avait pour objectif la formation de moniteurs militaires de gymnastique. Mais cette « École (allait) rapidement s'impliquer hors de l'espace propre à l'armée en profitant de la double opportunité de l'obligation de la gymnastique dans les écoles publiques et de l'absence de dispositifs de formations à l'éducation physique scolaire » (Pierre Simonet et Laurent Veray : L'Empreinte de Joinville 150 ans de sport, INSEP, Les cahiers de l'INSEP, 2003).

 

Huo Yuanjia, grâce à sa renommée, n’eut aucune difficulté à trouver des financements pour son école. Il put ainsi l’installer dans une vieille maison située dans le quartier des concessions étrangères de Shanghai. La difficulté résidait surtout dans l’objet officiel de l’école. En effet, à cette époque, il était encore interdit d’enseigner les arts martiaux traditionnels. C’est pourquoi Huo Yuanjia présenta son école comme un gymnase.

 

A l’instar de la nouvelle de ses victoires, l’esprit « Jing Wu » se répandit rapidement.

 

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7. La mort de Huo Yuanjia

 

« Notre histoire commence avec la mort de Huo Yuanjia, le légendaire héros chinois célèbre pour ses victoires sur un champion lutteur russe et des experts en bushido japonais. Il fut empoisonné. Par qui? Pour quelles raisons ? On ne l'a jamais su exactement, mais il y eut de nombreuses spéculations. Nous offrons ici une des versions les plus populaires. » C’est par cette phrase que commence le film La Fureur de Vaincre.

 

En effet, Huo Yuanjia mourut quelques semaines après la fondation de l’école Jing Wu. Sa mort reste empreinte de mystère, et plusieurs versions sont avancées. Nous pouvons avoir que deux certitudes : d’une part, aucun assassinat n’a été prouvé ; d’autre part, ses disciples étaient convaincus que Maître Huo avait été empoisonné.

 

Nul doute que la mort soudaine du nouveau héros national provoqua un bouleversement. D’autant plus que celle-ci soulevait de nombreuses questions : comment un maître en arts martiaux, encore jeune, pouvait-il mourir brutalement de maladie ? Se serait-il entrainer trop rudement ? N’aurait-il pas été assassiné ?...

 

Maître Huo pourrait être mort de maladie. En effet, comme nous l’avons précisé dans la deuxième partie de cet exposé, jeune, Huo Yuanjia était malade. Adulte, il semblerait qu’il souffrait de malaises chroniques, dus à une jaunisse, d’où son surnom de « Tigre à face jaune ». Cet état de fait n’écarte pas, pour les défenseurs de la thèse de l’assassinat, la possibilité de l’empoisonnement. Le dernier adversaire de Huo Yuanjia était japonais, et le médecin qui l’a soigné lors de sa dernière maladie était japonais lui aussi…

 

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Pourquoi les japonais sont-ils dans le collimateur ? Cette méfiance des chinois s’explique par la volonté d’expansion du Japon envers la Chine. N’oublions pas que la guerre sino-japonaise de 1894-1895 a laissé des traces dans les consciences. Les japonais font également partie des légations étrangères qui dominent la Chine en ce début de XXe siècle.

 

Mais les différentes sources, comme le souligne le narrateur de La Fureur de Vaincre, ne s’entendent pas sur les circonstances de cet empoisonnement :

- Selon les ouvrages et les sites internet consultés, Huo Yuanjia aurait pu être empoisonné par son médecin, ou bien dans un hôpital nippon où il était soigné pour les blessures consécutives à son dernier combat (la cause officielle de sa mort serait une pneumonie foudroyante).

- Le film Le Maître d’Armes montre un empoisonnement par l’intermédiaire du thé bu par Maître Huo lors de sa dernière compétition.

- La Fureur de Vaincre opte pour l’empoisonnement par des biscuits.

- Huo Yuanjia a pu aussi être empoisonné lors d’un banquet de « réconciliation » organisé par une école japonaise, suite à un tournoi « amical ».

 

Cette multitude de versions pourrait donner raison à ceux qui soutiennent que Maître Huo est mort de maladie et que la thèse de l’empoisonnement n’est que spéculation, voire un effort désespéré de ses disciples pour discréditer les japonais.

 

Néanmoins, en 1989, à l’occasion du transfert de la tombe de Huo Yuanjia, la police scientifique chinoise a confirmé la présence d’arsenic dans les ossements. Traitement médical à l’arsenic (courant à l’époque pour traiter des maladies telles que la tuberculose) ? Assassinat par empoisonnement ? Malgré cette dernière découverte, le mystère de la mort de Huo Yuanjia reste entier.

 

8. Une renommée pour la postérité

 

La mort de Huo Yuanjia aurait pu signer celle de l’école Jingwu. Mais quelques mois plus tard, elle fut rouverte par ses assistants. Son frère cadet, Huo Yuan Siang, et son fils, Huo Tong Ker, continuèrent à enseigner.

 

Plus tard, l’école Jingwu invita de célèbres maîtres d’arts martiaux à venir enseigner. Tous ces grands maîtres se plièrent au règlement de l’école. En effet, la volonté de Huo Yuanjia n’était pas d’enseigner uniquement son propre style, mais d’obtenir un enseignement martial le plus complet possible. Ces professeurs contribuèrent à la célébrité de l’institut, qui parraina de nombreux tournois d’arts martiaux. En outre, même si l’objectif de départ était de promouvoir les arts martiaux traditionnels, l’association se diversifia et s’étendit à des disciplines telles que la lutte, la boxe occidentale, l’haltérophilie, la musculation, la natation et même les échecs !

 

L’école Jingwu utilisait de nouvelles méthodes d’enseignement : pratique des enchaînements en groupe, découpage des techniques en différentes phases codifiées afin d’être compréhensibles par tous. Ce fut l’entrée des arts martiaux chinois dans l’ère moderne.

 

L’institut Jingwu se répandit également dans d’autres parties de la Chine et de l’Asie. Ainsi, en 1920, des représentants furent envoyés en Asie du Sud-Est, tout d’abord à Saigon, au Vietnam, où ils ouvrirent une première école, puis en Malaisie et à Singapour. Afin de démontrer leurs qualités en arts martiaux, ils devaient souvent relever des défis ou faire des démonstrations. En 1923, l’institut Jingwu avait essaimé dans toute l’Asie du Sud-Est et dans neuf pays différents.

 

Malgré des circonstances difficiles (mort de son fondateur, guerre civile, communisme) qui ont empêché son développement national, l’école Jingwu a connu un développement international indéniable. Pour son 10e anniversaire, elle reçut même la visite du révolutionnaire Sun Yat-sen, qui encourageait le développement du wushu. Dans les années 1940, l’institut Jingwu comptait 42 écoles.

 

En 1966, en raison de l’interdiction communiste, l’école Jingwu de Shanghai cessa ses activités. Les enseignements reprirent plus tard, une fois les restrictions levées. Parallèlement à cette période d’interdiction, l’institut poursuivit ses activités dans les écoles ouvertes à l’étranger : Asie du Sud-Est, Malaisie et Hong-Kong, puis, avec la diaspora chinoise, États-Unis et Europe.

 

Les nombreuses écoles Jingwu dans le monde ont tenté de s’organiser, dans les années 1980 et 1990, afin de constituer un mouvement international unifié.

 

Musée consacré Huo Yuanjia, différents films (La Fureur de Vaincre, avec Bruce Lee, Le Maître d’Armes, avec Jet Li), pèlerinage touristique à Tianjin, … la Chine ne semble pas prête à oublier son héros.

 

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Sources :

Kung-Fu : Trois mille ans d’histoire des arts martiaux chinois, de Roland Habersetzer (éditions Pygmalion)

 

Encyclopédie des arts martiaux d’Extrême-Orient, de Gabrielle et Roland Habersetzer (éditions Amphora Sports)

 

http://www.kungfufrance.com/le-kung-fu/le-mizong-quan

 

http://www.chinwoo.com/

 

Dossier : « Ce que l’on ne vous a jamais dit sur le Kung Fu », par Roger Itier (Karaté Bushido, mai 2000)

 

http://www.hkcinemagic.com/fr/page.asp?aid=45&page=1

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_des_Boxers

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataillon_de_Joinville#L.27.C3.89cole_normale_militaire_de_gymnastique_de_Joinville

 

http://www.droit-du-travail.wikibis.com/intoxication_a_l_arsenic.php

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Intoxication_%C3%A0_l'arsenic#Huo_Yuanjia